Home Uncategorized Pour une sensibilisation contre le cancer du sein en Haïti

Pour une sensibilisation contre le cancer du sein en Haïti

3
0
SHARE

Pour une sensibilisation contre le cancer du sein en Haïti

Nombreuses sont les idées émises à travers lesquelles l’on démontre que les seins constituent l’un des organes les plus importants chez la femme (INC, 2007). On peut même constater qu’au niveau des médias, les femmes aux poitrines généreuses sont souvent priorisées à travers les vidéoclips et les pubs radio télédiffusées. (Panos La gent féminine est en effet conscient du pouvoir séducteur qu’elle a, en mettant de plus en plus en vedette leurs seins. Ainsi, ces organes de différentes morphologies chez les femmes ne sont pas là seulement pour allaiter le bébé, mais aussi pour rendre celles-ci plus attrayantes et séduisantes. Les seins jouent donc un rôle prépondérant dans la féminité et l’image que l’on a du corps de la femme (SSP, 2007). D’un point de vue anatomique, le sein est composé en majeure partie d’un tissu graisseux (Voir schéma anatomique du sein).

Schéma anatomique du sein Source : (Athina Alice ob- 2015)

Pourtant, cette masse de graisse de laquelle est formé le sein de la femme est loin d’expliquer le taux élevé des cas de cancer du sein enregistrés à travers les pays. Des recherches publiées notamment par la Société canadienne de cancer affirment que les hommes peuvent être également atteints de cancer du sein même si les cas recensés ne révèlent qu’un taux de 1 %. Les chercheurs estiment qu’en 2017, il y a eu 230 nouveaux cas de cancer du sein chez l’homme au Canada et que 60 hommes en sont morts.

Au cours de l’année 1985, le mois d’octobre a été déclaré par l’OMS comme le mois du cancer du sein. Dès lors, tous les ans, dans les pays du monde entier, ce mois est dédié à la sensibilisation à cette maladie considérée depuis quelque temps comme un fléau mondial. Cette démarche se veut être un moyen d’attirer l’attention sur ce problème, afin de porter les populations à en prendre conscience, et de multiplier le support accordé pour la réalisation des campagnes de dépistage précoce, des traitements, des prises en charge ainsi que des soins liés au traitement de la maladie. En 2015, le cancer du sein est classé parmi les cancers les plus meurtriers chez la femme suivant l’OMS et l’accès aux soins et aux traitements dans les pays à faible revenu demeure déficient.

En Haïti, suivant les données recueillies au niveau de la revue de l’Association Médicale haïtienne, entre janvier 2011 et décembre 2012, la surveillance des dossiers de 95 patients accueillis à l’unité d’hémato-oncologie du service de médecine interne de l’HUEH, a révélé que 65 % des cas sont des cancers du sein et les femmes qui en sont atteintes sont âgées entre 27 et 92 ans, et celles-ci se retrouvent particulièrement dans la tranche d’âge située entre 40 et 60 ans. Ainsi, le cancer du sein n’attend pas la valeur des années chez les femmes pour faire son apparition, comme on avait tendance à le croire par le passé. Entre autres, je me rappelle, lors de mes séances de chimiothérapie l’année dernière à l’Hôpital Universitaire de Mirebalais, avoir vu de très jeunes filles atteintes de cette maladie.

Dans le rapport statistique 2015 publié par le MSPP en septembre 2016, il n’a pas été fait mention de cancer du sein. Aucune information n’a été relatée à ce sujet. L’on pourrait se demander s’il n’y a pas lieu même de sensibiliser les responsables de la santé publique autour de ce problème.

Tenant compte de la carence en matière de soins et de services dans le traitement du cancer du sein et surtout du nombre de décès lié à cette maladie, si l’OMS a retenu le mois d’octobre pour en faire la sensibilisation, en Haïti, on devrait consacrer toute l’année à faire la prévention contre ce fléau qui a déjà causé un nombre incalculable de deuils dans les familles haïtiennes.

Même si le cancer du sein est de plus en plus répandu à travers le pays, il n’en demeure pas moins vrai que la population n’est toujours pas sensibilisée sur la question. Je me rappelle quelque 3 à 4 années de cela avoir connu une dame qui est décédée par la suite d’un cancer du sein. Elle et son entourage croyaient fermement qu’elle n’avait pas besoin de se rendre à l’hôpital, et que la prière et la médecine traditionnelle suffisaient amplement pour la guérison de sa tumeur qui était devenue maligne en s’empirant de plus en plus jusqu’à l’emporter dans sa tombe. Étant chrétienne croyante, je crois à la puissance de la prière et à la guérison divine, mais en tant qu’universitaire et intellectuelle, je crois aussi que la médecine scientifique est là pour nous aider à venir à bout de nos maladies. Plus que jamais la population doit être tenue informée de l’évolution des maladies pour pouvoir adopter le comportement qu’il faut face à ces dernières.

L’on doit reconnaitre cependant que plusieurs organisations et associations en Haïti ont réalisé pas mal d’interventions intéressantes autour de la question et on peut citer IHDO, SHONC, GSCC, Rotary club, etc. Il s’avère toutefois nécessaire de continuer à mener la lutte et l’on doit être conscient qu’il reste beaucoup à faire pour pouvoir sensibiliser la population à ce sujet

En effet, pour la faire la prévention d’une maladie quelconque il importe de bien la cerner ainsi que ses causes.

D’une manière générale, les signes du cancer du sein peuvent faire leur apparition par une masse au niveau du sein ou de l’aisselle. Je me rappelle avoir senti quelque chose comme un grain de haricot (pois) au niveau de la cage thoracique et je ne ressentais aucune douleur à ce moment. Les douleurs se manifestent fréquemment à un stade plus avancé. Toutefois, d’autres signes tels que la présence de ganglions au niveau des aisselles, une transformation inhabituelle de la taille et de la forme du sein, souvent très remarquable au mamelon et à l’aréole, des écoulements au niveau des mamelons sont à considérer. Ces signes tout étant évalués prématurément, peuvent aider à une prise en charge bien meilleure. Mais souvent pour confirmer les résultats, des examens poussés comme la biopsie est prescrite par le médecin. Une fois la maladie diagnostiquée, la prise charge se fera d’abord par une orientation sur l’évolution de cette dernière et des traitements qui lui sont propres.

Dépendamment du stade auquel il a été détecté, le cancer du sein peut être traité en enlevant la partie du sein infecté par une intervention chirurgicale tout en conservant l’organe en question. Toutefois compte tenu du stress que provoque cette maladie, les médecins ont constaté que la prise en charge médicale ne suffit pas toujours. Ainsi, une prise en charge psychosociale, renforcée par les soutiens familiaux et environnementaux peut conduire à une prompte guérison.

En fait, suivant les recherches environ 8 % des cas de cancer sont dus à la génétique. Au départ de mon diagnostique, j’ai cru que c’était génétique, car j’ai eu ma grand-mère maternelle et une tante toutes deux décédées de la maladie du sein sans oublier quelques-unes de mes cousines qui ont dû subir des interventions chirurgicales au niveau de leurs seins. Pourtant les examens que j’ai effectués dans un Hôpital aux USA ont révélé que mon cancer du sein n’avait presque rien à voir avec la génétique. Il reste alors à envisager les autres risques comme les hormones des pilules contraceptives, les graisses en provenance des excès de sucres, des viandes animales et des produits laitiers ayant des facteurs de croissance, la consommation du tabac et des drogues, le stress chronique et les chocs psychologiques, enfin le manque ou l’absence d’activités physiques, qui sont autant de facteurs prédisposants pouvant être à l’origine d’un cancer du sein.

Certes, si on ne peut parvenir totalement à prévenir la maladie, on peut recourir toutefois aux traitements. Mais nombreuses sont celles qui n’ont pas survécu malgré les traitements comme la chirurgie totale ou partielle amputant les seins ou le sein atteint, l’hormonothérapie et la radiothérapie. On doit parler aussi de ce que j’ai appelé mon calvaire et ma punition, les nécessairement insupportables chimiothérapies, responsables d’alopécie (perte de cheveux) et de nombreuses autres complications : nausées, perte d’appétit, problèmes de la peau ou perte de sensibilité aux extrémités des membres. Lesquelles complications peuvent persister définitivement, sans parler de la ménopause précoce et de la stérilité souvent irréversible même chez les jeunes femmes. Notons qu’en Haïti on ne dispose pas de l’appareil pouvant procéder à la radiothérapie.

Pour une meilleure sensibilisation de la population par rapport au cancer du sein, il convient d’établir des campagnes de dépistage précoces et de motivation de la population, en l’éduquant sur la maladie et les risques qui y sont liés, les traitements appropriés disponibles dans le pays.

Le cancer du sein reste et demeure une maladie éprouvante. La personne atteinte souffre, mais également tout son entourage. De plus, étant été atteint d’un cancer du sein, on ne connait pas l’avenir, les dernières recherches affirment qu’il faut attendre une vingtaine d’années pour que la maladie ne récidive pas. Étant une survivante de cette maladie, je peux dire qu’elle m’a rendue plus forte, plus ouverte à la vie, mais aussi plus humaine, et je sens plus que jamais que j’ai survécu pour aider celles et ceux qui sont debout à se battre pour le rester et d’autres qui sont à genou à se relever. Le cancer du sein est l’affaire de toutes et tous !

Profitant de cette période de sensibilisation, je lance un cri d’alarme à la société haïtienne en général et plus particulièrement aux autorités sanitaires afin qu’elles soient alertées par ce problème crucial. Nous avons besoin d’arriver aux dépistages gratuits de cancer du sein et ceci à travers les communautés les plus reculées, pour qu’on puisse parvenir à réduire le taux de mortalité lié à ce fléau social.

Info-CHIR : La revue haïtienne de chirurgie et d’anesthésiologie

www.who.int/topics/ cancer/fr www.e-cancer.fr

Guy Corneau – Revivre

Natacha GUÉ

Travailleure sociale/ Étudiante finissante de la MAPODE/Survivante du cancer du sein

natachaguejoseph@gmail. com

Octobre 2018