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Le dossier secret de l’assassinat de Dessalines

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Le dossier secret de l’assassinat de Dessalines

Le professeur Jacques Alix Louis est un chercheur méthodique et assidu. Amateur de jazz, il est aussi musicien passionné. Ayant vécu pendant quelques années aux États-Unis d’Amérique, il a beaucoup appris du combat des noirs américains. Cela lui donne des pistes pour interroger l’histoire nationale. Et ses lieux secrets.

LN : Nous vous rencontrons, professeur, pour soulever le voile sur certains aspects cachés de l’histoire haïtienne. Ces aspects sont multiples. Par où voulez-vous commencer ?

JAL : Disons que la situation actuelle n’est pas nouvelle. C’est une répétition cyclique. Ceci résulte du fait que les prémisses utilisées sont toujours fausses. Alors, les résultats ne peuvent être différents.

LN : Pourquoi, selon vous, l’histoire haïtienne se répète souvent dans ses aspects négatifs ?

JAL : La raison primordiale consiste dans le fait qu’il y a des contentieux qui n’ont jamais été dévidés. 211 ans plus tard, nous sommes au stade de l’époque calamiteuse de 1806.

LN : Vous parlez du terrible assassinat du Père de la Patrie.

JAL : Bien sûr. C’était notre première grave erreur. Le meurtre de l’Empereur est une insoutenable tragédie. Dessalines avait pris soin de nous prévenir que si un jour nous commettons l’erreur d’une trahison contre sa personne, nous serons à jamais damnés. Cela a été clairement dit au cours de son discours de la Proclamation de l’Indépendance de 1804. Il l’avait rédigé de sa propre main, depuis le 28 novembre 1803. Cette référence vient de l’essai du Professeur Deborah Johnson, PHd de Duke University (USA). Mais, il y a aussi d’autres raisons qui expliquent la répétition cyclique négative dans notre histoire. Nous nous frappons la tête sur un mur dans l’obsession coupable de ce meurtre primordial.

PONT-ROUGE, EMPOISONNEMENT, MUTILATION MAGIQUE

LN : Qu’avez-vous à dire sur les aspects cachés de l’assassinat de Dessalines ?

JAL : Il y a plusieurs versions sur cette lugubre affaire. Il y en a qui disent qu’il a été tué au Pont-Rouge, à la sortie nord de la capitale. Il y a aussi une version qui relate qu’il a été empoisonné au cours d’une réunion chez le Général Pétion, à la Rue de la Réunion qui abritait le ministère des Affaires sociales. La chose la plus horrible qui ressemble à un rituel magique est que son corps a été mutilé, haché à coups de machette et jeté aux quatre coins de la ville. Cela a été fait aussi à Horus, le dieu égyptien du soleil. Étrange coïncidence : Dessalines appelait son armée : les Soldats du soleil. Comme Horus, quelques parties de son corps ont été récupérées par Défilée dite La Folle qui était la seule personne lucide durant l’événement de l’assassinat.

LN : Vous dites qu’elle était lucide. L’histoire la nomme La Folle.

JAL : L’une des meilleures techniques des traitres est d’utiliser la théorie du « characterassassination ». Défilée avait assez de courage pour récupérer les restes de l’Empereur et les enterrer. Sa tombe se trouve sous les fosses de l’Eglise Sainte-Anne.

LN : Quand vous parlez de fosses, il ne s’agit pas des fondations simples de l’Église.

JAL : Vous savez que c’est très récemment que nous avons commencé à construire, des vespasiennes modernes. Durant cette époque, on utilisait les latrines. Le petit-fils de Dessalines s’appelait Raphael Léonidas Trujillo. Le général Winston Churchill était le petit fils de Julia Chevalier, petite fille de Dessalines. Des membres de la famille Chevalier existaient encore au carrefour de l’Avenue Magloire Ambroise et de la Ruelle Alerte où l’on fabriquait des meubles. Les deux frères Chevalier, au milieu des années 70 étaient très tolérés et protégés par les résidents du quartier, malgré qu’ils fussent très turbulents. Leurs grands-parents et les « grandèt » de la zone du Bas-Peu-Chose savaient cette partie cachée de l’histoire haïtienne que l’historien courageux Georges Michel a souvent révélée dans ces interventions.

LN : C’est là où se trouve aujourd’hui la station de gazolineTotal.

LAL : On ne peut cacher cette vérité universelle : les acteurs reviennent toujours sur la scène du crime.

BRISER LES CHAINES MENTALES

LN : Aux répétitions karmiques négatives, il n’y a pas que le meurtre du Père. Quelles sont les autres raisons ?

LAL : L’Empereur n’avait pas achevé son travail. L’autre étape était d’enlever les chaines mentales dans nos esprits. Nous sommes restés des esclaves psychologiques. Nous sommes devenus les parias du monde parce qu’on n’a pas voulu suivre notre propre chemin et avions décidé plutôt de mimer nos anciens maitres dans toutes nos activités.

LN : Qu’entendez-vous par toutes nos activités ?

LAL : Je veux parler de culture, d’éducation, de langue, de religion. C’est à ces activités-là qu’on reconnait l’authenticité d’un peuple. Tant qu’on ne se libère de la colonisation mentale, on trainera à jamais le boulet des dépendances et des humiliations durant des siècles. Dessalines avait la vision de faire d’Haïti le phare de la civilisation nègre. C’est pourquoi on a trainé dans la boue de la fosse de Sainte Anne le corps charcuté de l’Empereur.

Source : Kerlens Tilus / https://web.facebook.com/kerlens/posts/10103337174417674