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Levons-nous et bâtissons : vers une prise de conscience citoyenne en vue d’action pour le relèvement d’Haïti

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Levons-nous et bâtissons : vers une prise de conscience citoyenne en vue d’action pour le relèvement d’Haïti

Tel est le fil conducteur de la prédication délivrée par le Frère Marcelin Joseph à l’Eglise Baptiste du Tabernacle de Port-au-Prince pour ce dimanche 22 Juillet 2018

Dans le contexte actuel de notre pays, le Prédicateur du jour a parlé d’un message ayant une portée nationale en choisissant le thème que voici : Une prise de conscience citoyenne en vue d’action pour le relèvement d’Haïti. Le Surintendant de l’Ecole Dominicale de ladite Eglise a considéré Néhémie 1 :1-4 et Néhémie 2 :1-5 et verset 17 comme textes de référence pour sa prédication.

En effet, durant son histoire, Israël a connu deux grandes captivités :

  • Celle des Assyriens en 1722 avant Jésus-Christ et où une grande partie des dix tribus du royaume du nord fut emmenée ;
  • Celle des babyloniens en 605 avant Jésus-Christ où sous le règne de Nébucadnesar, l’armée brula le temple construit par Salomon, détruisit Jérusalem et emmena le reste du peuple en captivité. Ceux qui sont restés dans ce pays en ruine étaient les plus pauvres et les plus faibles selon 2 Rois 25 :2-21.

Soixante-dix ans après selon le prophétie de Jérémie, soit en 538 avant Jésus-Christ, un premier contingent de juifs devaient retourner dans leur pays sous l’ordre de Cyrus. Bon nombre de temps après, le pays était encore en ruine. Et le temple et les murailles de Jérusalem n’étaient pas encore reconstruits. C’est ce qu’allaient entreprendre Esdras et Néhémie.

Nous, les haïtiens,  devons savoir que notre pays est actuellement en ruine.  Néhémie 1 :1-4 et Néhémie 2 :1-5 et verset 17 nous permettent de voir en Néhémie trois types de ressources dont nous pouvons utiliser comme solutions afin de relever Haïti dans l’impasse ou dans cette ornière. Ces ressources sont les suivantes :

1.- Néhémie était un patriote. Autrement dit, on peut parler du patriotisme de Néhémie. Le patriotisme se définit comme étant l’amour de la Patrie. Néhémie était fou pour son pays. Cet amour se manifestait sous deux aspects :

  • Son souci de s’informer de ce qui se passe dans son pays (Néhémie 1 :1-3) ;

Quand il cherchait à avoir les informations, Néhémie, un officier de la maison royale dont la fonction consistait à servir à boire à la table du prince. Il était à l’aise et toute sa famille était avec lui. Malgré sa position noble ou enviable, Li te ka di : en quoi la situation de Juda lui regarde-t-il, ki melem ? Cependant, Néhémie manifestait un amour profond pour son pays.  Pafwa, se sa anpil nan nou di tou paske nou pa an Haiti, nou pa gen fanmi an Haiti,  nap viv nan gwo peyi. Nou repete souvan : « Sa kap pase Haiti a pa konsène nou ». Toutefois, tout citoyen digne de ce nom a pour obligation d’être au courant des moindres détails de la vie de son pays même s’il ne vit pas dans la terre natale. Maintenant, c’est facile de trouver des informations grâce aux outils technologiques. Mais, tel n’a pas été le cas de Néhémie.

Malheureusement, aujourd’hui, il y a des haïtiens qui ne veulent pas s’informer de ce qui se passe en Haïti. Certains sont même arrivés à déclarer qu’ils ne sont pas des haïtiens en présence des étrangers

Ce qui se passe à l’échelle du pays nous concerne tous en tant qu’Haïtiens parce que nous appartenons à la même terre. Le pays vous appartient au même titre que n’importe quel autre citoyen (Président, Sénateur, Député, Ministre ou autre fonctionnaire)

  • La conscience citoyenne a été le deuxième aspect qui a marqué l’amour de Néhémie pour sa patrie. Un citoyen conscient ne peut rester impassible (sans émotion) devant les calamités auxquelles font face son pays selon Néhémie 1 :4. Quelqu’un qui aime son pays ne peut que s’indigner face à la situation. Quelques jours de cela, nous avons vu nos compatriotes se déferler dans les supermarchés ou magasins pour se livrer au pillage. Nous sommes devenus les visés de tous les autres peuples. Ces actes de vandalisme nous plongent dans l’opprobre ou dans la honte. Mais, où est passée notre fierté d’antan ? Pourtant, nous avons écrit, avec l’encre d’or, l’une des plus belles pages de l’histoire universelle, c’est-à-dire, « l’Épopée de 1804 ». A cette époque, Haïti était devenue la terre d’accueil par excellence. Nous avons eu l’habitude d’aider d’autres peuples qui n’ont pas eu de liberté et de justice.

Après 214 ans d’indépendance, notre pays se trouve à un point meurtri et avili sous le poids d’un passé honteux et accablant depuis le parricide commis au Pont-Rouge (nous avons tué le père de l’Indépendance). Avec cet acte odieux, nous sommes devenus en ruine sur le plan moral, en ruine sur le plan de la citoyenneté et de la solidarité, en ruine sur le plan de la justice, en ruine sur le plan environnemental et forcément en ruine sur le plan spirituel.

Que devons-nous faire face à ce constat d’échec ?  Il nous faut aller vers Celui dont les yeux sont ouverts et l’oreille attentive comme Néhémie l’a fait, à savoir aller vers le Créateur, le DIEU Tout-Puissant au comble de nos malheurs et de l’opprobre.

2.- La deuxième ressource que nous pouvons utiliser comme solution est la prière. En fait, Néhémie était un homme de prière. Le péché constitue la constante qui traverse l’histoire du peuple d’Israël avec DIEU. La captivité qui entraine l’exil fut l’une des plus grandes punitions que DIEU a utilisée pour corriger le peuple d’Israël. Pourtant, ce peuple était resté dans l’indifférence. Néhémie a bien compris cette situation et s’est approché auprès de DIEU dans la prière d’intercession. DIEU veut que nous confessions nos péchés afin d’obtenir pardon pour notre pays et pour nous. Au stade où nous sommes, nous devons nous questionner. Quelles sont les vraies causes de nos malheurs ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer ces malheurs. En effet, la terre d’Haïti a vu couler trop de sang ou trop de crimes comme par exemple :

  • Les colons espagnols ont massacré les premiers occupants (les indiens) qui ont été remplacés par les nègres d’Afrique ;
  • Ces nègres ont été soumis par une servitude féroce qui a duré plus de trois siècles ;
  • Pendant les 214 ans de la vie nationale, nous continuons à commettre des crimes odieux, nou pa sispann pratiquer l’injustice, nous continuons à exploiter à outrance les plus faibles, nou pa sispann livre nou au pillage des ressources, etc. Nous avons besoin de reconnaitre que ces mauvaises pratiques constituent des offenses graves aux yeux de DIEU. Nous avons besoin de reconnaitre que notre Nation a pris naissance aux forceps à travers des guerres sanglantes de délibération. A noter qu’un forceps est un instrument utilisé pour faciliter une couche difficile chez une femme au moment de naissance d’une enfant. C’est pourquoi nous retenons encore l’un des slogans les plus forts : « koupe tèt, boule kay ». Dans la société haïtienne, personne n’est exempt de cette culture de violence. Nous continuons à pratiquer encore la domesticité qui est considérée comme une variante de l’esclavage (Ti Sainte-Anise de Maurice Sixto). DIEU n’est pas content quand nous oppressons nos frères et sœurs. Nous devons confesser ces péchés et nous devons abandonner ces pratiques avilissantes en bâtissant une communauté basée sur le droit, la loi et la justice, lesquels sont les conditions préalables et essentielles pour avancer vers le progrès matériel.

Après avoir confessé les péchés, Néhémie a rappelé à DIEU Son alliance et Ses promesses envers Israël. Les promesses de DIEU sont basées sur la fidélité. Nous les haïtiens, nous pouvons compter sur les promesses de DIEU afin de bâtir un autre pays. DIEU a un regard sur nous, DIEU peut changer cette situation d’opprobre.

3.- La troisième ressource : Néhémie était un bâtisseur d’espoir (Néhémie 2 :17). Toute la capacité de Néhémie pour réaliser cette œuvre de reconstruction nationale  était reposée sur DIEU et sur sa force de caractère. C’est pourquoi nous lançons un vibrant appel à vous afin que vous puissiez vous engager dans une croisade en vue du relèvement de notre pays en ruine.

Un appel aux adultes, il est temps de dire « Levons-nous et bâtissons ! comme l’avait dit le peuple d’Israël. Nous avons besoin de poser des actes de citoyen. A rappeler qu’un citoyen est une personne responsable qui accomplit des devoirs et exerce des droits. Très souvent, nous ignorons nos droits. L’exercice de nos droits passe par notre participation active aux affaires du pays comme par exemple choisir nos représentants aux élections, remplir une fonction avec honnêteté et compétence dans l’administration publique. Nou pa dwe di ke kretyen pa dwe nan politik. C’est  archi-faux et c’est une aberration quand on veut nous faire croire que les chrétiens ne peuvent pas être des politiciens. Nous devons exercer le droit d’élire et le droit de se faire élire. Le mot POLITIQUE signifie l’administration de la cité et, dans un sens plus large, c’est l’administration du pays. Quand nous n’exerçons pas ces droits, nous laissons la place aux autres et c’est pourquoi nous sommes en train de payer les conséquences. Nous venons de vivre un mauvais moment, nous venons de connaitre le chaos et ceci pourra être arrivé encore parce que nous abandonnons nos droits et nous laissons l’espace politique à ceux qui n’aiment pas le pays. Nous devons nous engager dans les élections non seulement pour participer intelligemment mais encore  pour aider nos voisins et nos proches en leur fournissant le maximum d’informations pouvant leur permettre de faire de bons choix. Ces informations doivent être basées sur l’identité, l’honnêteté, sur la vie actuelle et passée du candidat. Nous devons faire savoir à nos voisins et à nos proches que « moun kap bay kòb ou byen moun kap resevwa kòb pou vote nan eleksyon pa stwayen »

Maintenant, écoutez ce que dit le Prophète Jérémie à ses frères expatriés en Babylone où DIEU les a amené en captifs pendant soixante-dix ans : « Recherchez le bien de la ville où je vous ai amené en captivité ; priez L’Eternel en sa faveur parce que votre bonheur dépend du sien » (Jérémie 29 :7)

Avant d’être citoyens du Ciel, nous sommes des citoyens de la terre. Tout malheur qui se produit sur cette terre aura à nous affecter. Nous devons travailler en tant que citoyens au bonheur de cette terre. L’Apôtre Paul nous exhorte à travailler pour notre vie et en vue d’aider les autres.

Je m’adresse aux jeunes, vous êtes à cheval sur le présent et sur l’avenir de ce pays. Vous êtes le citoyen d’aujourd’hui et celui de demain. Vous êtes les futurs responsables du pays. D’abord, formez-vous tant sur le plan académique que sur le plan du civisme. Nous devons nous attacher fortement à ce coin de terre qui est notre seul héritage sur la planète. Depi w vwayaje, ou bezwen retounen. Pa gen lòt kote wap pi alèz. Quelqu’un a dit un jour : « Lakay Se Lakay ». Yo fè nou rayi bout tè sa a paske yo bezwen pran l. Yo vle pou nou kite Haiti pou yo ka vini ranplase nou. Nous devons savoir que ce pays est le nôtre. N’abandonnez pas votre pays comme on veut vous faire comprendre. Ayons la confiance et engageons-nous afin de relever ce défi qui consiste à trouver le bonheur d’Haïti. Victor Hugo nous a laissé cette pensée : «  Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent »

Pour que ces propositions d’engagement puissent être concrétisées, nous devons les intégrer dans une nouvelle mission de l’Eglise vis-à-vis de la Société Haïtienne.

L’Eglise ne doit plus se contenter à construire de l’hôpital, de l’école ou d’autres projets sociaux mais les leaders évangéliques doivent interpréter leur mission en fonction du civisme par rapport au chaos que vient de connaitre le pays. L’Eglise doit également investir dans la construction de la conscience citoyenne si nous espérons une nouvelle Haïti ou une meilleure Patrie.

L’Eglise est le seul creuset qui nous reste encore après le constat de l’effondrement de l’Etat. Comme dit le Psalmiste au chapitre 11 du verset 3 : « Quand les fondements sont renversés, le juste que ferait-il » ? Alors, mes frères et sœurs, soyons des hommes et des femmes déterminés. Que ce moment soit le début de cette prise de conscience citoyenne pour le relèvement de notre pays.

Disons, comme les rescapés de l’exil en réponse à l’appel de Néhémie, levons-nous et bâtissons ! AMEN

 

Talot BERTRAND, Ing-Agr.

E-mail : talotbertrand@gmail.com

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